Page:Spaak - Kaatje, préf. Verhaeren, 1908.djvu/23

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ture se forme, où elle se fait ses muscles, son sang et son cerveau, Kaatje lui indique comment elle doit conquérir, fixer et équilibrer sa force.

Certes, il n’est point défendu d’aller au loin s’enthousiasmer d’un art étranger : Rome et Florence au XVIe siècle, Paris au XIXe restent des villes d’exaltation et d’éducation suprêmes, mais il ne faut point se laisser absorber par elles au point d’en ramener une Pomona qui est toute de beauté latine, alors qu’une humble, mais admirable Kaatje, de beauté foncièrement septentrionale, nous attend et nous aime, silencieusement, dans notre logis. C’est en elle que nous devons nous rejoindre, après n’importe quel voyage. C’est en elle que nous devons retrouver toujours plus intense, notre intime vie profonde.

Et maintenant souhaitons que des triomphes pareils à celui de Kaatje se multiplient chez nous. Je ne doute pas que le directeur de ce théâtre accueillant ne le souhaite et ne l’attende également. Sa main reste tendue vers les jeunes et sa plus belle tâche commence. Ce soir, son nom se mêle, avec justice, à toute notre allégresse.

Et puis souhaitons encore — et je termine sur ce vœu — que les prochains succès soient aussi honnêtes, aussi propres, aussi sains, aussi dégagés soit de lentes intrigues, soit d’arrivisme haletant que le succès d’aujourd’hui, le plus superbe que notre théâtre ait enregistré.

Émile Verhaeren.