Page:Spaak - Kaatje, préf. Verhaeren, 1908.djvu/22

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Dans Kaatje, un peintre de souche néerlandaise pénétré par sa race, formé par les eaux, le sol, le vent, la lumière de là-bas, se décide, à l’âge de vingt ans, à se dépouiller de lui-même pour chercher dans un pays illustre un enseignement étranger et, si j’ose dire, des émotions, des pensées, des mains, des yeux qu’il croit meilleurs que les siens.

Il en revient un jour, fier de lui-même et de sa métamorphose, presque heureux d’être dévoyé, mais voici que lentement son pays le reconquiert, qu’il le débarrasse de son éducation factice et qu’il lui rend le bonheur dans le sourire d’une petite fille assise près d’un foyer, avec un simple carreau à dentelle posé sur ses genoux. L’idée est générale ; elle contient en elle la lutte de la personnalité humaine contre une éducation fausse. Changez les situations. Au lieu d’un artiste du nord, imaginez un artiste du midi, au lieu d’un paysage flamand imaginez un paysage italien, au lieu d’une éducation reçue à La Haye imaginez une éducation reçue à Venise et faites éprouver à quelque élève de Carpaccio la nostalgie de Bruges comme Jean éprouve la nostalgie de Rome, vous tirerez de la pièce le même enseignement et la même conclusion. Kaatje est vivante et vraie non seulement chez nous, mais ailleurs, mais partout et c’est là son triomphal mérite.

Disons aussi que la pièce vient à son heure. Elle était dans l’air. Que de jeunes poètes doivent regretter de ne l’avoir faite ! À cet instant où notre littéra-