Page:Spaak - Kaatje, préf. Verhaeren, 1908.djvu/47

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Tout est laideur, tout est médiocrement réel,
Tandis que là, là-bas où peignit Raphaël,
Sous un soleil si beau qu’il exalte les choses
Et que leurs ruines même y restent grandioses,
Là-bas, la beauté parle aux yeux dès le berceau,
Et le peintre inspiré qui saisit ses pinceaux
Afin d’éterniser son rêve épanoui,
Croit tenir des rayons dans ses doigts éblouis !
Oui, ce pèlerinage est saint ! Et je méprise
Qui, se disant artiste, en craindrait l’entreprise !
Vois comme autour de nous les grands l’ont su comprendre :
Hemskerk, Moro, Floris — le Raphaël des Flandres —
Avant eux. Van Orley, Jean Swart, tous, tant soient-ils,
Sont partis au pays de l’art et de l’exil,
Mais pour en revenir glorieux et sacrés,
Et maîtres du destin comme je reviendrai !

KAATJE

Ah ! Jean !

JEAN

Ah ! Jean !Tous, ils tentaient le sort aventureux !
Pour suivre leur chimère, un grand nombre d’entre eux
S’en allaient, sans argent, vivant des jours entiers
Sans manger, asservis aux plus humbles métiers,
Couchant dans les fossés des chemins, demi-nus,
Mais toujours confiants, et toujours soutenus