Page:Spaak - Kaatje, préf. Verhaeren, 1908.djvu/86

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Et que notre aventure était si naturelle,
Qu’on nous pardonnerait… Puis, je comptais sur elle !
Je me disais : « C’est vrai, j’ai mal agi peut-être ;
Mais sitôt qu’ils auront appris à la connaître,
Que ses beaux yeux profonds se lèveront sur eux,
Qu’ils sauront qu’elle est bonne et que je suis heureux,
Et qu’elle m’a rendu les jours qu’ils m’ont donnés,
Comment donc pourraient-ils ne pas nous pardonner ! »

LA MÈRE (sans oser pourtant s’approcher de lui)

Mon Jean, mon petit Jean ne pleure pas ainsi !
Père…

LE PÈRE (violemment)

Père…Taisez-vous donc ! Je suis le maître ici !
Il pleure ! Savons-nous ce que ses pleurs déguisent ?
Et de quoi se plaint-il ? Qu’il agisse à sa guise !
Ces gueux d’italiens, pardieu, l’ont dégourdi !
Qu’a-t-il besoin de nous encore ? Il nous l’a dit !
— Monsieur ne rentrera qu’à la condition
Qu’on reçoive sa femme ! — Et si nous hésitions,
Il s’en irait, laissant là son père et sa mère,
Oublieux, pour Dieu sait quel amour éphémère,
De notre amour qui l’a choyé pendant vingt ans,
Et sans comprendre encor qu’on lui dise « va-t’en ! »
Au lieu de lui sourire et de le cajoler !…

Pendant les dernières paroles que le père prononce dans sa colère, Jean, désespéré, a repris le manteau et le chapeau qu’il avait