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malsains, ou incomplètement développés au physique ou au moral. Par conséquent, en tant que le mariage dépend de la préférence de la femme, les hommes bien doués trouvent facilement à se marier et une partie des autres restent forcément garçons. Cette influence contribue pour sa part à mettre au nombre des hommes mariés les individus présentant le plus de chance de vivre longtemps et à confiner dans le célibat ceux qui ont le moins de chances de longue vie.

Ainsi nous constatons que la supériorité d’organisation qui conduit à la longévité mène aussi par trois voies au mariage : normalement, elle est accompagnée d’une prédominance des instincts et des émotions qui poussent au mariage ; elle met en état de se procurer les moyens d’existence qui rendent le mariage possible ; enfin elle augmente les chances de succès dans la recherche de la femme. Les chiffres précités ne prouvent pas qu’il y ait, entre mariage et longévité, un rapport de cause à effet ; ils constatent simplement, ce qu’on pouvait avancer à priori, que le mariage et la longévité sont les résultats concomitants d’une même cause.

Cet exemple frappant de la manière dont une déduction peut être prise pour un fait, servira à nous mettre en garde contre un autre des dangers qui nous attendront chaque fois que nous aurons affaire aux données sociologiques. La statistique ayant montré que les hommes mariés vivent plus longtemps que les célibataires, la conclusion forcée semblait être que le mariage est plus sain que le célibat. Nous venons de voir que cette conclusion n’est pas le moins du monde forcée ; le rapport existe peut-être, mais il n’est pas démontré par les données fournies. Qu’on juge par là de la difficulté de distinguer les rapports réels des rapports apparents, lorsqu’il s’agit de phénomènes sociaux ayant des liaisons plus enchevêtrées.


Encore une fois, nous nous laissons facilement détourner par les faits superficiels et vulgaires de ces autres faits difficiles à approfondir, mais d’une importance réelle, dont les premiers ne sont que les indices. Toujours les détails de la vie sociale, les événements curieux, les anecdotes qui forment matière à bavardage, dérobent à nos yeux, si nous n’y