Page:Spencer - La Science sociale.djvu/152

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quand Il aura connu un plus grand nombre de ses compatriotes et qu’il aura constaté la possibilité de vivre d’une façon exemplaire sans observer le dimanche, il se trouvera quelque peu embarrassé. Plus tard, quand, en voyageant sur le continent, il aura vu les plus honnêtes gens des sociétés étrangères ne tenir aucun compte de prescriptions dont l’observance lui paraissait jadis le fondement essentiel d’une bonne conduite, ses idées étroites et arrêtées s’élargiront encore davantage. Eh bien ! avant d’atteindre à la flexibilité de pensée nécessaire pour traiter convenablement les phénomènes sociologiques, il faut subir, quant à une quantité de croyances profondément enracinées, le travail de transformation que nous avons montré s’accomplissant pour une opinion superficielle. Non pas dans un seul ordre d’idées mais dans presque tous, nous avons à apprendre que ces relations des faits sociaux entre eux, que nous jugeons en général naturelles et même nécessaires, ne sont point nécessaires et n’ont même souvent rien de particulièrement naturel. La contemplation des états sociaux passés nous rappelle à chaque instant qu’une foule d’arrangements, d’usages et d’idées qui nous paraissent aller de soi, sont d’origine toute moderne. D’autres au contraire qui nous semblent impossibles, étaient parfaitement possibles il y a quelques centaines d’années. Si nous étudions des variétés qui diffèrent de la nôtre par la race aussi bien que par le degré de civilisation, nous rencontrons à chaque pas des choses contraires à tout ce que nous aurions cru probable ; nous en rencontrons que nous n’aurions jamais inventées, même en cherchant à imaginer les choses les plus improbables.

Prenons pour exemple les variétés de relations domestiques. Nous avons appris dès l’enfance dans la Bible, que la monogamie n’est pas la seule espèce de mariage. Bien que l’idée de la polygamie nous soit devenue par là assez familière, il ne nous vient pas à l’esprit que la polyandrie puisse exister quelque part ; et quand nous apprenons qu’elle existe, qu’elle même été jadis très-répandue, nous sommes étonnés. Il nous est d’abord impossible, quand nous considérons ces institutions matrimoniales si différentes des nôtres, de nous imaginer qu’elles soient pratiquées avec un sentiment des convenances analogue à celui que nous apportons dans