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Page:Spenlé - Novalis.djvu/150

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NOVALIS

grande erreur du disciple mathématicien a été de poser le problème, l’équation, en des termes trop arrêtés, en des formules sans vie, en des données « statiques ». Il n’a pas vu qu’ici le problème n’existait pas à l’état de « donnée », en dehors de l’esprit qui le concevait, — mais qu’ici le problème lui-même vivait et pensait, qu’il « se » pensait en quelque sorte lui-même. Ce qu’il s’agit de découvrir c’est donc une mathématique dynamique universelle où les Nombres seraient eux-mêmes des pensées actives. Cette mathématique nouvelle Novalis crut la trouver dans Fichte.

C’est la méthode de synthèse universelle, qui repose sur une intuition initiale, qu’elle ne fait que développer à l’infini. Au sein de l’identité primitive, originairement renfermée sur elle-même, surgit une activité de réflexion et d’analyse qui permet à l’Ego absolu de « s’apparaître » à lui-même de se phénoménaliser. De l’unité confuse sortent ainsi, par une différenciation interne, toutes les réalités phénoménales. Mais par cet acte de réflexion l’identité primitive s’est divisée contre elle-même, la substance s’est comme émiettée, l’énergie créatrice s’est polarisée en activités antagonistes, en contradictions innombrables. Un principe d’opposition, de discontinuité a été suscité, se manifestant dans la conscience individuelle par l’opposition entre un Moi et un Non-moi. À son tour ce principe d’opposition suscite le besoin d’une synthèse, d’une réduction nouvelle, progressive et infinie, à l’identité et à l’unité. « Thèse, antithèse, synthèse » voilà donc les opérations magiques, les formules divinatoires qui évoqueront l’univers philosophique. La marche suivie par Novalis dans les fragments, inspirés par cette nouvelle méthode, est invariablement la suivante : il commence par poser deux concepts entièrement antithétiques, de telle sorte que le premier apparaisse comme la négation du second et le second comme la négation du premier (esprit et matière ; — forme et contenu ; — vie et mort ; — moi et non-moi ; — sujet et objet ; etc.), et il éta-