devient peu à peu rythmique. Le mécanisme est cadencé, rythmique. Il doit y avoir là quelque chose d’autre encore et d’occulte. Ne serait-ce vraiment que l’effet de l’inertie ? »[1]
Cependant le rythme n’est qu’un moyen ; il aide à communiquer la suggestion et l’accélère. Dans la suggestion même réside le fait essentiel. « Tout sentiment éprouvé par nous », observe encore M. Bergson, « revêtira un caractère esthétique, pourvu qu’il ait été suggéré et non pas causé. »[2] — « Les objets de l’art romantique », écrivait de même Novalis, « doivent se présenter comme les sons d’une harpe éolienne, tout d’un coup, sans être motivés et sans trahir leur instrument. »[3] Il ne faudrait cependant pas exagérer la passivité de l’esprit devant cette suggestion. « Le symbole n’affecte pas directement », disait-il encore « il provoque une activité spontanée. » S’il s’imposait directement, du dehors, il ne serait qu’une illusion grossière qui, percée à jour, laisserait après elle un sentiment de désenchantement. Or si l’art n’est pas l’aperception d’une relation intellectuelle, d’une réalité empirique, il n’est pas non plus une erreur ni une duperie. On pourrait, en un certain sens, l’appeler une illusion consciente, volontairement acceptée et en quelque sorte « jouée » par celui qui l’accepte. Le poète suggère simplement le motif, il donne le canevas du rôle que l’acteur joue selon ses moyens et à sa fantaisie. Par une habileté suprême l’artiste en nous subjuguant nous communique en même temps le sentiment d’une activité accrue. C’est que la poésie est « organique » et non mécanique ; elle agit, comme la magie, du dedans, par le « centre », c’est-à-dire par l’esprit sur les sens, et non du dehors, par la « surface », c’est-à-dire par les sens sur l’esprit, comme les forces mécaniques et les objets matériels. « Les mots dont se sert le poète », dit Novalis, « ne sont pas des signes généraux, mais des sons,