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Page:Spenlé - Novalis.djvu/217

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PHILOSOPHIE DE LA NATURE

réunis » de Strasbourg, et, dans un mémoire détaillé, reconnaissait dans ces phénomènes mystérieux les symptômes indéniables de la prochaine venue du royaume de Dieu sur terre.[1]

Mesmer lui-même, quoique philosophe et rationaliste, avait frayé la voie par l’interprétation mystique qu’il s’était cru autorisé à fournir de ses propres expériences. « Indépendamment des organes connus », disait-il dans son traité de l’Influence des Plantes sur le corps humain, — « nous avons encore d’autres organes propres à recevoir des sensations ; nous ne nous doutons pas de leur existence, à cause de l’habitude prédominante où nous sommes de nous servir des premiers, d’une manière plus apparente, et parce que des impressions fortes, auxquelles nous sommes accoutumés dès le premier âge, absorbent des impressions plus délicates et ne nous permettent pas de les apercevoir. »[2] Ces sensations plus subtiles, que l’habitude et l’éducation ont émoussées en nous, constituent un « sens interne » ou un « instinct universel » de la nature. « Nous sommes doués d’une faculté de sentir dans l’harmonie universelle les rapports que les évènements et les êtres ont avec notre conservation. »[3] À cet instinct, qu’il oppose à la perception sen-

  1. « Sendschreiben der Exegetischen und Philanthropischen Gesellschaft zu Stockholm ». Traduit en allemand dans « der deutsche Merkur », 1787, tome 2, pp. 159 et suiv. Sur l’organisation des sociétés de magnétiseurs, — mesmériens, barbarinistes, puységuristes, — on trouve des renseignements circonstanciés dans le « Système raisonné du magnétisme universel », Ostende, 1786. Le magnétisme y est considéré comme une science occulte, qui doit rester telle, à cause des dangers auxquels elle exposerait la société si elle tombait entre des mains criminelles.
  2. Mesmer, Influence des plantes sur le corps humain. Paris, 1766, pp. 56-57.
  3. Ibid. p. 84. — C’est la même définition qu’on retrouve dans les « Aphorismes, dictés à l’assemblée de ses élèves » (Paris, 1785), no 190. « La faculté de sentir dans l’harmonie universelle, le rapport que les êtres et les événements ont avec la conservation de chaque individu, est ce qu’on doit appeler l’instinct. » À la conception magique de l’âme cosmique il substitue de plus en plus la conception plus scientifique d’un fluide magnétique universel. Mais à vrai dire ce ne sont là que des différences de terminologie. Dans ses aphorismes (no 184), il parle encore toujours du « sens interne » de la nature, qui nous met en rapport avec toutes les parties de l’univers et sur lequel se fondent les pressentiments, la clairvoyance, etc.