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Page:Spenlé - Novalis.djvu/241

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PHILOSOPHIE DE LA NATURE

chen » se trouve dans les « Entretiens des Émigrés allemands », parus en 1795. Novalis cite à diverses reprises ce petit morceau littéraire, qui sans doute lui a servi de modèle.[1] On verra du reste que le poète Klingsohr, auteur du conte cabalistique analysé plus haut, n’est autre chose, dans le roman Henri d’Ofterdingen, que la personnification poétique de Gœthe. La donnée des deux contes chez Gœthe et chez Novalis est la même : c’est l’histoire d’un couple allégorique, — du couple alchimique, symbolisant l’affinité universelle des éléments, — que sépare un enchantement fatal, et dont l’union, le mariage « philosophal », amènera une régénération de la nature. Chez Gœthe les deux personnages du couple sont « le jeune Prince souffrant » et « la belle Fleur-de-Lys ». Tous les personnages, tous les évènements qui se trouvent mêlés au récit prennent un sens allégorique. Un Fleuve sépare le palais enchanté, où habite la belle Fleur-de-Lys, du temple mystique où seront célébrées les noces. Pour le franchir il faut entrer dans la barque du vieux Batelier. Celui-ci ne porte les passagers que dans une seule direction : jamais il ne les ramène sur la rive d’où ils sont partis (symbole du Temps) : l’or n’a pas de prise sur lui : à tous il réclame la même rétribution en nature (symbole du Destin). Et puis voici le Géant, image allégorique de l’Intelligence abstraite, par elle-même impuissante, mais redoutable par son ombre, la Science, — force utile lorsqu’elle entre au service du bien, dévastatrice dès qu’elle devient un instrument de haine et cesse d’être bien dirigée. Le Serpent, c’est la conscience humaine repliée sur elle-

  1. Il ne semble pas que les « Volksmærchen » de Tieck, parus quelques années avant Henri d’Ofterdingen, aient influé sur le « Mærchen » de Novalis. Les sources où puisent les deux auteurs sont très différentes, bien que tous deux aient pris comme modèle littéraire le conte cabalistique de Gœthe et se soient inspirés de sa conception philosophique du genre. — De plus il semble que le « Mærchen » de Novalis ait été composé longtemps avant le roman Henri d’Ofterdingen, où il entre comme un simple hors d’œuvre. C’est un essai de jeunesse, de l’aveu même de l’auteur. « Je me souviens d’un « Mærchen », dit Klingsohr, « que j’ai composé quand j’étais encore passablement jeune. — Il y paraît à des signes aisément reconnaissables. » (N. S. I, p. 120).