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Page:Spenlé - Novalis.djvu/240

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NOVALIS

de forestier les écrits de Paracelse et de Bœhme. Ils les lurent ensemble, et cette lecture plongeait leur imagination dans une délicieuse ivresse mystique. « Lorsqu’ensemble ils prononçaient le terme de « roue des Essences éternelles » ou d’« Éclair au regard torve » et d’autres termes analogues, ils en ressentaient une exaltation toute particulière. Des heures entières ils faisaient des recherches parmi les signes cabalistiques, jusqu’à ce qu’ils eussent complètement perdu l’esprit : il leur semblait alors que les signes fatidiques s’animaient et remuaient. C’était un vrai délice de se griser ainsi d’inventions baroques et d’émotions exaltées. » [1]

Souvent chez les alchimistes les éléments premiers étaient représentés sous les espèces d’un Couple et le grand Œuvre prenait l’aspect d’un « mariage philosophal ». Ainsi « les noces chimiques de Rosenkreutz », ou encore les amours du couple alchimique Gabritius et Baja[2], sont comme une ébauche des amours féeriques d’Éros et de Freya. Des visions gracieuses se mêlaient parfois aux plus abstruses rêveries. Tel le mythe d’Hyanthe. Les larmes que verse Hyanthe sont la rosée vivifiante, qui vient ranimer la poussière après les chaudes nuits d’été. Au point du jour, dans les vapeurs légères du matin, l’alchimiste surprend la dame merveilleuse, revêtue de damas vert. « Au premier aspect elle me parut endormie, comme si elle avait veillé toute la nuit, la tête appuyée sur le bras. Mais comme je m’approchais je vis une rosée glisser furtivement sur ses joues et tomber rapidement, comme pour ne point ternir leur beauté, où la grâce seule devait régner. » [3] Gœthe avait déjà utilisé ce filon dans un conte cabalistique qui, sous le nom de « Mær-

  1. Joh. Heinr. Jung’s Lebensgeschichte, Ed. Reclam. pp. 91-92.
  2. Voir : Compass der Welsen, op. cit. p. 360. L’œuf philosophique des alchimistes est souvent appelé chambre nuptiale, lit nuptial, parce que c’est en lui qu’avait lieu la conjonction du soufre et du mercure, de l’homme rouge et de la femme blanche, du roi et de la reine. Voir : Poisson, Théories et symboles des alchimistes, Paris, 1891, p. 104 et suiv. La « Chemische Hochzeit » de Rosenkreuz se trouvait dans la bibliothèque de Novalis. Comp N. S. II, 2. p. 686, la nomenclature des ouvrages alchimiques.
  3. Ibid. p. 179, note.