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Page:Spenlé - Novalis.djvu/286

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NOVALIS

lointaine mais inévitable de la pensée protestante. Cependant de l’excès même du mal sortira le remède. Une renaissance universelle de l’esprit, religieux se prépare et ce sera l’œuvre de l’idéalisme romantique allemand de l’annoncer et de la rendre populaire.

Telle est la pensée directrice, réduite à ses éléments essentiels. Au lieu de l’approuver ou de la condamner en bloc, comme ont fait jusqu’à présent la plupart des critiques et historiens de la littérature romantique, examinons les symptômes qui s’y trouvent exprimés et les intentions véritables qui ont inspiré ce manifeste passionné.

Incontestablement le luthéranisme allemand, à la fin du 18me siècle, traversait une crise profonde. Obligé de se poser surtout comme un principe d’opposition, la Réforme avait pris dès les débuts un caractère essentiellement polémique et doctrinaire. Il y eut une fixation hâtive des dogmes qui communiqua à toute la doctrine un caractère de rigidité, de sécheresse, de foi littérale. « Dans la confession d’Augsbourg » écrit un théologien luthérien, M. Ritschl, « on touche pour ainsi dire du doigt le décousu des doctrines isolées et des intuitions fragmentaires ». Préoccupé avant tout de définir la saine « doctrine », le protestantisme luthérien, selon le même auteur, « n’entra pas en connexion avec les besoins affectifs et esthétiques, auxquels, pour chaque peuple, l’éducation religieuse doit donner un contenu. »[1] Sous prétexte d’épuration, le sentiment religieux tendait à se confondre de plus en plus avec le sentiment moral ou avec le rationalisme philosophique : les éléments affectifs et imaginatifs, qui avaient occupé une si grande place dans la théologie mystique du Moyen-âge, étaient tenus en suspicion. En proscrivant la Vierge, les Saints, tous les éléments légendaires et populaires du catholicisme médiéval, en limitant l’intérêt religieux à une figure unique et au texte écrit des Evangiles, on appauvrissait singulièrement les sources de l’invention religieuse et le christianisme ne four-

  1. Ritschl,Geschichte des Pietismus, Tome I, p. 85 et II, p. 89.