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Page:Spenlé - Novalis.djvu/287

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LA RELIGION NATURISTE

nissait presque plus d’éléments vivants et concrets à l’imagination du poète. Celui-ci, s’il ne voulait pas se mettre en contradiction avec l’exégèse biblique ou avoir maille à partir avec l’orthodoxie officielle, en était réduit à emprunter ses personnages à une mythologie séraphique. Il en résultait un art métaphysique et incorporel, sans plasticité et, somme toute, peu vivant. Telle fut la Messiade de Klopstock ; tel aurait été sans doute le grand poème chrétien projeté par Lavater, en vue duquel il se documentait dans ses « Échappées sur l’Éternité ».

Cependant cette religiosité mystique du Moyen-âge, refoulée par le luthéranisme doctrinaire, continuait à germer silencieusement dans les profondeurs de l’âme allemande et, de temps à autre, elle poussait au grand jour des rejetons tout-à-fait imprévus. Il suffit de rappeler les noms de Weigel, de Bœhme, d’Arnold, d’Arndt, plus tard de Zinzendorf, de Jung-Stilling et de Lavater. Avec les premiers romantiques : Novalis, Schleiermacher et plus tard Schelling, on peut dire que cette tradition secrète a de nouveau pénétré dans les couches supérieures de la vie religieuse et philosophique de l’Allemagne.

Ce qui caractérisait généralement ces tendances mystiques, c’était l’annonciation d’une « nouvelle Église », d’un christianisme intégral ou catholicisme idéal, où devaient s’opérer le rapprochement et la fusion de toutes les croyances religieuses du passé. Bien plus, à l’intérieur même de l’Église luthérienne un mouvement de rénovation mystique analogue s’était dessiné, sous le nom de « piétisme ». La pensée, plus ou moins formulée, qui inspirait les promoteurs de ce mouvement, les Francke et les Spener, c’est que la Réforme de Luther devait être complétée par une seconde Réforme, qui, au-dessus des confessions particulières, créerait une communion universelle et invisible des âmes religieuses. Mais, tandis que le catholicisme médiéval, remarquablement souple et plastique, réussissait à englober certaines de ces innovations, sous forme d’Ordres religieux.