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NOVALIS

C’était une âme en quête de discipline, en mal d’un caractère. La crise qui l’avait tirée de son enfance somnolente, et d’où ses activités intellectuelles et morales étaient sorties si subitement accrues, semble avoir laissé ces énergies nouvelles désunies, sans orientation, sans organisation stable. La vie sentimentale du jeune homme était traversée de crises courtes mais fréquentes. Son frère Érasme l’appelait : « Frédéric le Volage » (Fritz der Flatterer). « Je ne voudrais pas entendre », disait-il, « les récriminations de toutes les jeunes filles que Frédéric a courtisées dans sa vie. » Pareillement les lettres de Novalis, écrites à cette époque, font allusion à un certain libertinage, qui semble avoir eu son siège dans l’imagination plus encore que dans la vie des sens. Il s’accuse lui-même de ses « errements », parle des « excroissances désordonnées de son imagination » ; il se reproche « des heures d’irréflexion, des absences totales ».

Le ton sérieux et solennel sur lequel il se fait la morale à lui-même peut faire sourire. Un regard attentif y lirait cependant autre chose encore que de simples lieux communs inculqués par l’éducation. On découvre chez celui qui a écrit ces lettres à la fois une idée très exaltée de lui-même et aussi la préoccupation obsédante de donner à sa vie de l’unité et de la fixité, et surtout une aspiration très caractéristique vers une sublimité morale encore mal définie. Jusque dans ses poésies de jeunesse, généralement si frivoles, avons-nous vu, apparaissent ces préoccupations, qui donnent tout-à-coup une note plus sincère, plus émue. Elles ont inspiré surtout l’une de ces pièces, « Les plaintes d’un jeune homme », la première petite pièce lyrique du poète qui ait paru en public, dans le Mercure allemand. Amèrement il se reproche sa vie trop facile, paresseuse et lâche. « Je me vois inactif, voué par le sort à une vie de jouissances indigne d’un homme. Les dangers me font lâchement trembler et reculer, car le courage n’enflamme pas mon cœur. J’ai reçu du sort une éducation efféminée. » Et, en terminant, il s’écrie : « Ah ! reprends ces biens que des milliers te