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Page:Spenlé - Novalis.djvu/409

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LES COURANTS D’OPINION

À vrai dire ce qu’on appelle plus particulièrement l’école romantique n’est qu’une forme décadente et dégénérée du grand art romantique et chrétien, que l’auteur oppose à l’art classique et payen. Toutes ses sympathies, on le sent bien, sont pour ce dernier. L’art classique, selon lui, a su opérer la complète réconciliation de l’Esprit et de la Nature, en restant dans la nature même ; il a réalisé la beauté suprême, car ici l’idée et son expression se pénètrent intégralement ; la forme corporelle ne fait qu’un avec le contenu spirituel qui l’anime. « Il n’y a et ne saurait y avoir jamais rien de plus beau ». L’art, romantique au contraire a détourné vers le dedans, vers « la spiritualité subjective » les regards de l’homme. « Car, dans la phase de l’art romantique, l’Esprit sait que la vérité pour lui n’est plus de s’épancher dans l’univers corporel ; qu’au contraire il ne prend possession de cette vérité qu’en se repliant du dehors vers son intimité profonde et en posant la réalité extérieure comme une forme d’existence inadéquate » (Hegels Werke, Xter Band, 2te Abth., p. 122). La beauté, en tant que manifestation sensible de l’idée, est devenue inessenlielle : bien plus, l’idéal romantique la rend pour ainsi dire impossible, par ses exigences de spiritualité pure. — Mais cet idéal porte en lui dès le début les germes de sa propre dissolution. En prenant pour contenu essentiel l’intériorité subjective du poète l’art devient en effet de plus en plus indifférent au monde extérieur et à la réalité concrète, il brise tous les liens qui le rattachent à cette dernière et plane au-dessus du monde objectif, dans un état d’absolue liberté, mais aussi d’absolue indétermination. La formule philosophique de cette décadence artistique, Hegel croit la trouver dans la théorie de l’ironie romantique, issue de l’idéalisme de Fichte et présentée par Frédéric Schlegel d’abord, par Solger ensuite. C’est dans sa critique des œuvres de Solger, parue en 1828 dans les « Jahrbücher für wissenschafliche Kritik » qu’il a analysé le plus longuement cette forme de décadence artistique. Le romantisme lui apparaît à présent comme une véritable mala-