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Page:Spenlé - Novalis.djvu/410

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NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

die philosophique, dont les symptômes et les progrès peuvent en quelque sorte se déduire « a priori ». L’Ironie romantique est au début : par un effort d’abstraction l’esprit se détache d’abord de tout ce qui donne un intérêt positif et concret à la vie, pour ne voir plus dans les choses que des apparences, des formes pures et évidées, parmi lesquelles son « Moi » peut se jouer capricieusement. Mais il survient bientôt une seconde phase où le « moi » se lasse de sa propre subjectivité, où après avoir perdu contact avec les réalités extérieures, il sent cependant en lui un besoin douloureux d’objectivité. Il se trouve alors comme déchiré par une contradiction interne insoluble, — à la fois poussé hors de lui par une aspiration irrésistible vers une réalité objective, et incapable cependant de renoncer à la solitude où il s’adore lui-même.

C’est dans la personnalité de Novalis que Hegel a cru reconnaître le « cas type », par où s’illustrait cette théorie du romantisme décadent. Novalis est le malade romantique idéal, qu’il faudrait inventer, s’il n’existait pas ; « car — dit Hegel — ce qui fait le fond de la personnalité de Novalis, c’est que les besoins spéculatifs chez lui ont été assez forts pour éveiller dans cette belle âme une aspiration nostalgique, mais non pour lui permettre ni de triompher de sa tendance à l’abstraction, ni d’y renoncer. Bien plus cette tendance était si profondément ancrée au cœur du noble jeune homme, — lui-même s’y est abandonné avec tant de ferveur et de loyauté, que cette aspiration transcendantale — véritable consomption de l’esprit — a pénétré jusque dans les tissus organiques de sa vie et a marqué de son empreinte sa destinée entière. » (Jahrbücher für wissenschaftliche Kritik, Juni, 1828, p. 861). Particulièrement dans Henri d’Ofterdingen s’observent les symptômes de ce « morbus mysticus ». « Les situations creuses se dérobent craintivement devant la réalité où elles devraient pourtant s’insérer résolument, si elles-mêmes prétendaient à quelque réalité. » (op. cit., Mærz, 1828, p. 41). On retrouve à peu près le même