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ÉDUCATION

Après un court séjour de vacances dans sa famille à Weissenfels, tout entier à ces louables dispositions, Frédéric von Hardenberg s’en alla faire un stage chez le bailli Just, à Tennstedt. Il devait s’initier là à l’expédition courante des affaires, en attendant qu’en Saxe ou en Prusse, dans l’administration supérieure, un poste se fît vacant, proportionné à son rang et à ses ambitions. Dans ce milieu paisible, parmi les occupations monotones du greffe, se préparait en lui une crise éducative plus profonde que les précédentes, bien qu’analogue à plus d’un égard. « Il faut que je sois encore éduqué », avait-il dit à son père ; « peut-être faudra-t-il m’éduquer jusqu’à la fin. Mon caractère subit trop peu de chocs ; ceux-là seuls peuvent le former et le fixer. » Esprit à la fois versatile et passionné, âme voluptueuse et dévorée d’idéal, il ne sentait encore en lui aucune tendance pennanente, rien de ce qui fait un caractère énergique, une vie forte et unie. Il s’alarmait le premier de cette imagination déréglée, qui courait capricieusement d’objet en objet, sans se poser nulle part, — de cette mobilité inquiète de la pensée, toujours fascinée par quelque mirage nouveau, — de cette extraordinaire émotivité passionnelle, qui enfiévrait sa vie de crises subites et de vocations imaginaires. Ainsi à travers les diversités et les métamorphoses de cette âme chrysalide s’affirmait, de plus en plus intense, le besoin de s’unifier, de se retrouver enfin identique de quelque façon, par la pensée peut-être, par l’amour d’abord.