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NOVALIS

circonstances atténuantes, accusant de tout le mal ce qu’il appelait « la lubricité de son tempérament ». Il concluait avec plus de philosophie que d’à-propos : « J’aspire de tout mon cœur à être le plus vite possible dans une situation où je ne dépendrai plus de ta bourse ».[1] C’était précisément là ce que son père appelait depuis longtemps de tous ses vœux.

Une nouvelle transplantation fut décidée. On envoya le jeune étudiant à Wittenberg, ville bien pensante, peuplée de souvenirs édifiants. Ne trouvant rien de mieux à faire, il travailla sagement pour rattraper le temps perdu et prit ses grades universitaires. Quelques semaines lui suffisaient, nous est-il dit, pour combler les plus grandes lacunes. En même temps se déclarait, dans ce milieu favorable, une nouvelle « vocation » pour la vie familiale. Il l’expose longuement, dans une lettre enthousiaste à sa mère, qui pourrait servir de contre-partie à la lettre sur la vocation militaire. Ce qu’il avait demandé d’abord au service des armes, il espère maintenant le trouver dans l’accomplissement régulier de ses devoirs domestiques. « Ce goût pour le bonheur familial qui est en moi si puissant et si vivace, aura certainement une action bienfaisante sur ma destinée, et surtout il extirpera les excroissances désordonnées de mon imagination qui me rendent continuellement instable et fuyant. Cultiver ce goût dans toute sa pureté, lui préparer les voies autant que possible dans la trame obscure de ma destinée, tel doit être le but principal de mon activité, et seule la fatalité la plus contraire, l’arrachement de tout ce qui me retient à la vie, pourrait m’écarter de ce but. »[2] Déjà il se voit en imagination le soutien et l’éducateur de ses frères et sœurs, sans qu’aucun symptôme alarmant dans la santé de son père n’eût rendu opportune, semble-t-il, une si chevaleresque attitude. « Mes frères et sœurs ont besoin après la mort de mon père d’un second père. Cette vocation du foyer familial est tout à fait la mienne. »[3]

  1. « Nachlese », p. 56.
  2. « Nachlese », p. 47.
  3. Raich. op. cit. p. 5.