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Page:Spenlé - Novalis.djvu/439

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LES COURANTS D’OPINION

ble aussi que Novalis ait une mission à remplir auprès de notre époque. Il revient à nous, pour nous appeler à rentrer en nous-mêmes » (Novalis der Romantiker, Berlin, 1901. p. 18).

Cette mission nouvelle du premier romantisme, Mme Ricarda Huch l’a éloquemment exposée dans son remarquable ouvrage : « Die Blüthezeit der Romantik » (Leipzig, 1901). L’auteur a voulu faire revivre les hommes et les femmes du romantisme ; sous leurs attitudes familières elle a épié les secrets de leur âme ; elle a tracé un tableau brillant de cette société littéraire d’Iéna où, dans le choc des idées jaillissait l’étincelle du paradoxe, elle a évoqué surtout cette atmosphère magique, chargée d’effluves subtiles, où les mots fatidiques flamboyaient. Là s’est préparée une « Renaissance pareille à celle du 15me siècle » (p. 360), là ont été jetées à foison des semences qui commencent à peine aujourd’hui à lever et à se produire au grand jour. « C’est une chose étrange pour le lecteur d’à présent, que de voir combien ces feuilles (de l’Athenæum) ont peu vieilli. Des pensées innombrables s’y rencontrent qui, de nos jours, conscientes de leur nouveauté et de leur singularité, osent à peine s’exprimer en un langage aussi libre, aussi franc qu’alors » (p. 68). L’émancipation de la femme, la théorie du surhomme, l’esthétique wagnérienne et symboliste, tout s’y trouve à l’avance formulé. On a parlé d’obscurantisme ? Sans doute ce reproche peut s’adresser au romantisme dégénéré, à celui qui a renoncé à la lutte, qui s’est renié lui-même, qui a capitulé en la personne de Frédéric Schlegel — mais non à ces combattants de la première heure, à ces vaillants paladins qui ont livré, avec les seules armes de la pensée, « la grande bataille des esprits sur les rives de la Saale » (p. 227). — Et pourtant ce livre attrayant est, à plus d’un égard, incomplet et contestable. Nous ne discuterons pas les doctrines philosophiques de l’auteur. Le type mixte de l’« androgyne », dont il est si souvent parlé, est-il bien le type normal et sain de l’humanité future ? Comment définir cette « magie »