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Page:Spenlé - Novalis.djvu/444

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NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

mande avait produit une profonde impression sur son esprit : il croyait y découvrir les éléments d’une religion nouvelle de l’humanité, analogue au Christianisme nouveau qu’avait déjà prêché Saint-Simon. « Comme l’idéalisme grec a préparé le christianisme, l’idéalisme germanique prépare la religion qui succédera au christianisme » (Au delà du Rhin, Paris, 1835, II, p. 146 s.). Les termes dans lesquels il annonce cette Révolution religieuse, opérée par les sciences de la nature surtout, rappellent à s’y méprendre les prophéties de Novalis, dans son Europa. Et en effet c’est aussi en Novalis que Lerminier salue un des premiers apôtres de la religion future. « Abreuvé de panthéisme, amant de l’humanité, républicain rêvant d’une démocratie royale (sic), triste avec l’ancien Évangile (?), possédé d’une allégresse enthousiaste au pressentiment d’un Évangile nouveau de bonheur et de félicité, Novalis a été dans notre siècle le Christ de l’idéalisme » (op. cit. p. 132 s.).

Si Lerminier voit dans Novalis le précurseur d’une religion nouvelle de l’humanité. Montalembert, dans un article de l’Avenir que nous avons déjà cité (v. p. 26), en fait un annonciateur de la restauration catholique en Allemagne, une sorte de « de Maistre allemand ». Le jeune poète avait, dit-il, « l’ardente dévotion d’un lévite » ; son cœur était « fervent et pur comme celui d’une vierge catholique » (Montalembert, Œuvres complètes, Paris, 1861, VI, p. 396). Les secondes fiançailles de Novalis, qui suivirent de si près la mort de celle qui devait remplir son existence entière, jettent, il est vrai, une note discordante dans cette séraphique symphonie. Montalembert finit par en trouver cependant une interprétation très bizarre. Novalis, selon lui, aurait « obéi au vœu de ses parents, sans cesser d’être fidèle à celle qui absorbait ses souvenirs comme ses espérances, comptant bien que la mort viendrait assez à temps pour le rendre à ses anciens serments » (p. 295) ! On ne saurait rien imaginer de plus invraisemblable et de plus faux !