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CHAPITRE II
AMOUR MYSTIQUE

UNE IDYLLE


De Tennstedt à Grüningen le chemin traversait la campagne saxonne, verdoyante et calme, faiblement accidentée. Pendant la belle saison et avec une bonne monture, un cavalier faisait aisément l’étape en une petite heure et déjà à mi-chemin ses yeux distinguaient, sur l’autre rive d’un cours d’eau, Grüningen avec son vieux manoir, tout jauni par l’âge. En une page de son journal, Novalis raconte comment, par une belle matinée de février ou de mars 1795, s’abandonnant au trot de son cheval, il suivait négligemment cette route, porteur d’un message pour les habitants du château. Il fallait que son esprit fût bien absorbé, car arrivé au carrefour de deux routes, il prit par mégarde la fausse direction et ne dut qu’aux indications d’un passant de se retrouver, après un petit détour, sur le bon chemin. Lorsqu’il eut enfin traversé le gué et attaché son cheval au carcan de la place publique, il s’aperçut seulement avec une sorte de stupeur, qu’il était arrivé, ou plutôt, il lui sembla, dit-il, « que son corps venait de rejoindre son esprit », car celui-ci avait de beaucoup pris les devants sur son indolent compagnon.

Les gens du pays avaient déjà remarqué les assiduités du jeune cavalier et, avec un sourire mal déguisé, une jeune