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CHAPITRE III
UN SUICIDE PHILOSOPHIQUE

LES SYMPTÔMES


Par un concours fatal de circonstances, à l’heure même où Sophie von Kühn s’éteignait, Érasme von Hardenberg, le frère et le confident du poète, rentrait au foyer paternel mortellement atteint. On voulut épargner à Novalis le spectacle de cette nouvelle détresse ; il s’en retourna donc à Tennstedt, dans l’intérieur hospitalier où il avait vécu sa première année de bonheur. Sans doute une chaude et pieuse affection l’attendait là ; mais son imagination, si troublée déjà, n’allait-elle pas s’exalter encore dans la contemplation quotidienne d’un irréparable passé ? Au bout de peu de temps on le voit en effet reprendre journellement le chemin de Grüningen et passer de longues heures au « pays silencieux », devant la « bonne tombe ». Souvent l’angélus du soir le surprenait ainsi, perdu dans ses douloureuses méditations. Sa santé physique était déjà sérieusement ébranlée par le mal héréditaire dont les premiers symptômes coïncidaient avec la maladie de Sophie. Sa santé morale n’était pas moins compromise. Le bailli Just, qui avait assumé la tâche délicate de cette cure d’âme, reconnaît que l’imagination de son jeune ami « divaguait, mais sans emportement violent, en restant toujours sous l’empire d’une raison