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Avant-Propos

Novalis est la clé du romantisme allemand. D’autres écrivains de la même génération, les frères Schlegel par exemple, ou Tieck, — ont couvert une plus vaste surface dans le champ de la littérature romantique. Assimilateurs géniaux, explorateurs infatigables, ils ont travaillé surtout à étendre au loin leur empire, à porter leurs conquêtes jusque dans les époques et les civilisations les plus lointaines. Mais aucun n’a pénétré en profondeur aussi loin que Novalis. C’est ce qui fait l’extraordinaire valeur « représentative » de son œuvre. « Son âme », dit un critique, qu’on ne saurait soupçonner de partialité, « recélait en une formule essentielle et concentrée, sous forme d’intuition artistique et d’émotion lyrique, toutes les aspirations qui, de son temps et longtemps après lui, ont agité la conscience allemande dans ses profondeurs, et partout il a touché droit au cœur de notre génération. »[1]

L’œuvre de Novalis est aussi une des plus énigmatiques de la littérature allemande. Une première difficulté d’interprétation tient à la forme fragmentaire et incomplète. Sans doute la mort précoce, qui surprit le jeune poète à l’heure où il entrait à peine en possession de son génie, ne lui a pas permis de mûrir sa pensée. Mais il semble que ce caractère d’obscurité et d’inachevé tienne encore à des dispositions psychologiques plus intimes. Novalis est de la famille de ces esprits incohérents et prophétiques, nécessairement fragmentaires, qu’on peut appeler des « annonciateurs ».

  1. Arnold Ruge. Sämmtliche Werke, 1847. I, p. 250.