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DE L’ORIGINE ET DE LA NATURE DES AFFECTIONS
haine ce qu’aime l’autre ; et que l’un ne craigne pas ce que craint l’autre ; qu’un seul et même homme aime maintenant ce qu’il haïssait auparavant, ose ce qui lui faisait peur, etc. Comme, en outre, chacun juge d’après son affection quelle chose est bonne, quelle mauvaise, quelle meilleure, et quelle pire (Scolie de la Prop. 39), il suit que les hommes peuvent différer autant par le jugement que par l’affection[1] ; par là il arrive que, comparant les hommes les uns aux autres, nous les distinguions par la seule diversité de leurs affections, et appelions les uns intrépides, les autres peureux, d’autres enfin d’un autre nom. J’appellerai, par exemple, intrépide celui qui méprise le mal dont j’ai habituellement peur ; et si, de plus, j’ai égard à ce que son Désir de faire du mal à celui qu’il hait n’est pas réduit par la peur d’un mal qui me retient habituellement, je l’appellerai audacieux. Puis celui-là me paraîtra peureux qui a peur du mal que j’ai accoutumé
  1. N. B. J’ai fait voir que cela pouvait arriver, bien que l’Âme humaine fût une partie de l’entendement divin dans le Corollaire de la Proposition 11, partie II. (Note de l’Auteur.)