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ÉTHIQUE

de telle sorte qu’un autre rapport de mouvement et de repos s’établisse entre elles. Je n’ose nier en effet que le Corps humain, bien que le sang continue de circuler et qu’il y ait en lui d’autres marques de vie, puisse néanmoins changer sa nature contre une autre entièrement différente. Nulle raison ne m’oblige à admettre qu’un Corps ne meurt que s’il est changé en cadavre ; l’expérience même semble persuader le contraire. Parfois en effet un homme subit de tels changements qu’il serait difficile de dire qu’il est le même ; j’ai entendu parler, en particulier, d’un certain poète espagnol atteint d’une maladie et qui, bien que guéri, demeura dans un tel oubli de sa vie passée qu’il ne croyait pas siennes les comédies et les tragédies par lui composées ; on eût pu le tenir pour un enfant adulte s’il avait oublié aussi sa langue maternelle. Et si cela paraît incroyable, que dire des enfants ? Un homme d’âge plus avancé croit leur nature si différente de la sienne qu’il ne pourrait se persuader qu’il a jamais été enfant, s’il ne faisait, d’après les autres, une conjecture sur lui-même. Mais, pour ne pas donner aux supers-