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éthique

une impropriété légère, si ce qui précède est vrai), voir Court Traité, I, chap. iv ; Lettres 64, 66 et 73. Dans la première, Spinoza donne comme exemples des modes infinis immédiatement produits par Dieu, dans la pensée, l’entendement infini (la totalité des idées qui sont en Dieu et qui en lui sont toutes vraies, c’est-à-dire claires et distinctes ; Éthique, II, Prop. 32), dans l’étendue, le mouvement et le repos ; comme exemple de modes infinis produits médiatement, la face de l’univers total qui demeure toujours la même, bien qu’elle varie d’une infinité de manières. Dans la Lettre 73, parlant de la sagesse divine (l’entendement infini), il use, comme dans le Court Traité, du terme de fils éternel de Dieu, sans tomber cependant dans la confusion qu’il reproche aux chrétiens d’avoir commise entre Dieu et l’homme. Ce fils éternel de Dieu n’est pas Jésus-Christ en qui s’est seulement manifestée plus qu’en aucun autre homme la sagesse divine.


Proposition XXIV, Corollaire — Ce corollaire correspond dans une certaine mesure au chapitre iv, Partie I, du Court Traité, de la Providence de Dieu ; quand Spinoza dit que la durée d’une chose ou la continuation de son existence a nécessairement Dieu pour cause, il ne veut pas dire que cette chose n’ait d’elle-même aucune force de durer ; au contraire, son essence, comme on le voit dans la troisième partie, Proposition 7, est un effort pour persévérer dans son être ; mais : 1o l’essence d’une chose, c’est Dieu lui-même en tant qu’il est affecté d’une certaine manière ; 2o l’essence d’une chose finie n’enveloppe qu’une existence relative ou dépendante, toutes les choses finies étant liées entre elles, d’où cette conséquence qu’elle est au moins en un sens limitée dans la durée, à un commencement et une fin. Dans le Scolie du Corollaire de la Proposition 10, Partie II, de l’Éthique Spinoza distingue comme saint Thomas (Summa theologiæ, I, 104, 1) entre la cause quant au devenir (causa secundum fieri, causa fiendi) et la cause quant à l’être (causa secundum esse, causa essendi) ; Dieu est cause quant au devenir en tant que cause efficiente de l’existence, cause quant à l’être en tant que cause de l’essence de toutes choses.


Proposition XXV et corollaire. — De cette Proposition (dont la note précédente explique la place à la suite de la Proposition 24) et de son corollaire on peut faire découler l’éternité des essences et leur liaison dans la pensée éternelle ; Spinoza pose donc ici le principe sur lequel il fondera dans la cinquième partie sa théorie de l’éternité de l’âme et la connaissance du troisième genre : cf. Éthique, V, Prop. 22 à 39.