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qu’on appelle ainsi, l’enseigne à la vérité (même note), mais la révélation comme telle n’est pas fondée scientifiquement ; bien plus elle est impossible : nous estimons impossible que Dieu se soit fait connaître aux hommes par quelque signe extérieur que ce soit (Court Traité, II, chap. xxiv, § 10). Il est possible, toutefois, de faire un usage utile et conforme à la raison des écrits contenant cette révélation ; considérés comme documents historiques, rattachés aux circonstance particulières qui ont entouré leur composition, ces écrits ne contredisent pas à la raison et sont une manifestation de l’esprit de vérité dont fut animé entre tous les hommes Jésus de Nazareth. La philosophie dépasse, mais n’abroge pas l’Écriture ; au contraire, elle en justifie les prescriptions essentielles et peut s’appuyer sur elle pour obtenir un résultat pratique ; de même, l’expérience sensible et l’imagination, prises pour ce qu’elles sont, n’ont rien de contraire au vrai et peuvent être d’utiles auxiliaires de l’entendement. Je me réserve d’examiner ces questions plus à fond dans le volume contenant la traduction du Traité Ihéologico-politique.

b) L’âme humaine a une connaissance adéquate de l’essence éternelle et infinie de Dieu (Prop. 42, Partie II) ; l’idée de Dieu n’étant absente d’aucune âme humaine, nous sommes tous capables de religion au sens où Spinoza prend ici le mot (voir la note précédente pour avoir quelque idée des degrés différents où s’élève le sentiment religieux ; la philosophie en est évidemment la perfection, parce qu’elle fait apercevoir clairement la vérité vivifiante contenue dans toute religion).

c) Sur la moralité (pietas), voir ci-dessus la note relative au Scolie de la Proposition 18.

d) L’âme douce de Spinoza ne répugne pas au carnage des bêtes, non bien entendu qu’il leur refuse une âme comme faisaient les Cartésiens (il leur en accorde une expressément dans le Scolie de la Proposition 13, Partie II, et cela découle naturellement de ses principes) ; mais leur âme est d’une essence qui n’a pas grand’chose de commun avec la nôtre, et la lutte des espèces doit être acceptée comme une nécessité, puisqu’il faut pourvoir aux besoins du corps.


Scolie II de la Proposition XXXVII. — De l’expression employée, page 496, ligne 4 : il faut que les hommes renoncent à leur droit naturel pour fonder la cité, on aurait grand tort de conclure qu’en devenant citoyen l’homme abandonne une partie de sa liberté ; ce droit naturel dont parle Spinoza n’a rien de commun avec la liberté, — il lui ressemble tout juste autant que la chute d’un corps grave sur un plan incliné ressemble à une action volontaire (je rappelle qu’une action volontaire