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DIEU, L’HOMME ET LA BÉATITUDE

ce que nous avons dit, à savoir que Dieu est la vérité, et que la vérité est Dieu.

Quant à la cause pour laquelle l’un a plus conscience de la vérité que l’autre, cela vient de ce que, dans le premier, l’idée de l’affirmation ou de la négation qui convient avec la nature de la chose a plus de réalité (d’essence). Pour bien entendre cela, il faut remarquer que le comprendre (quoique le mot paraisse indiquer le contraire) est un fait purement passif, c’est-à-dire que notre âme est modifiée de telle manière qu’elle éprouve certains modes de connaissance qu’elle n’avait pas auparavant. C’est pourquoi si quelqu’un, étant affecté par la totalité de l’objet, reçoit telle forme ou tel mode de penser, il est clair qu’il acquiert une autre perception de la forme ou de la qualité de cet objet que celui qui n’a pas subi l’action d’un aussi grand nombre de causes, et qui est déterminé à affirmer ou à nier par une action moindre et plus légère, ayant pris connaissance de cet objet par de moins nombreuses ou de moins importantes affections. D’où l’on voit la perfection de celui qui est dans la vérité, au prix de celui qui n’y est pas : l’un étant plus facile à se laisser modifier, et l’autre moins, il s’ensuit que celui-ci a plus de constance et plus d’être que l’autre ; de plus les modes de penser, qui conviennent avec les choses, ayant été déterminés par un plus grand nombre de causes, ont plus de constance et d’essence ; et comme ils conviennent en tout avec la chose, il est impossible qu’en aucun temps ils soient modifiés, ou souffrent aucun changement du côté de la chose, puisque nous avons vu que l’essence des choses est immuable : or c’est ce qui n’a pas lieu dans le faux. Cela dit, nous avons assez répondu à la présente question.