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XXV
INTRODUCTION

Ici surtout, il y a lieu de faire remarquer la différence du de Deo et de l’Éthique tout nous montre que le premier ouvrage n’est encore qu’une ébauche. Ainsi, par exemple, le second livre de l’Éthique manque presque entièrement ; presque rien sur les corps[1], sur la nature de l’âme, sur la théorie si grave des idèes adéquates et des idées inadéquates. Spinoza passe presque immédiatement à la théorie des passions : même sur ce point, quoique la théorie soit au fond la même, nous sommes encore loin de la savante, large et profonde exposition que l’on trouve dans l’Éthique. Seulement les conclusions finales, sur l’amour de Dieu, la liberté, l’immortalité de l’âme, sont à peu prés semblables à ce qu’elles seront dans l’ouvrage définitif. On voit qu’à ce moment Spinoza était déjà en possession de ses principes et de ses conclusions, mais que le développement intermédiaire laissait encore beaucoup à désirer : nous apprenons par là comment un système peut s’enrichir et se perfectionner, même après que les fondements essentiels en ont été posés.

Spinoza commence par rappeler que l’homme n’est pas une substance : car, d’après les principes de la première partie, on sait : 1o que nulle substance ne peut commencer d’exister ; 2o que nulle substance ne peut en produire une autre ; 3o que deux substances égales ne sont pas possibles.

Si l’homme n’est pas une substance, il est encore plus évident qu’il n’est pas un attribut : il est donc un composé de modes et de modes divins ; de plus, comme il pense et qu’il est uni à un corps, il est composé de modes de la pensée de Dieu unis à des modes de l’étendue de Dieu.

Comme dans l’Éthique, mais d’une manière beaucoup plus sommaire, et seulement dans une note, comme nous l’avons dit, Spinoza explique que la nature du corps consiste dans une certaine proportion de repos et de mouvement ; mais il ne dit rien de plus des modes

  1. Tout ce qui est relatif aux corps se réduit à une note de la préface de la 2o partie.