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XXXIV
INTRODUCTION

rien d’utile ne peut être obtenu par des actions négatives. Quant à l’audace, à l’intrépidité et à l’émulation nous n’avons qu’à reproduire ce que nous avons dit de l’amour ou de la haine.

Du remords et du repentir. — Ces affections n’ont lieu que par précipitation de jugement ; le premier vient de ce que nous doutons si ce que nous faisons est bon ou mauvais ; le second vient de ce que nous avons fait quelque chose de mauvais. On croit généralement que ce sont de bonnes affections, parce qu’elles ramènent au bien : c’est une erreur. C’est l’amour et non le remords qui ramène au bien ; et, comme ce sont des modes de la tristesse, ils sont plutôt nuisibles qu’utiles.

La raillerie et la plaisanterie. — Ces deux passions sont mauvaises, parce qu’elles reposent sur une fausse opinion et montrent une imperfection, soit dans le raillé soit dans le railleur : 1o dans le raillé, car c’est supposer qu’il est une cause libre de ses actions ; 2o dans le railleur ; car ou la chose est risible, ou elle ne l’est pas : si elle ne l’est pas, il est d’une nature perverse d’en rire ; si elle l’est, il doit essayer de la corriger, non de s’en moquer. Pour ce qui concerne le rire, il faut s’en référer à ce qui a été dit plus haut de la joie : je parle du rire naissant d’une idée et sans mélange de méchanceté. Quant au rire purement matériel, il n’est ni bon ni mauvais. Il n’y a pas à en parler.

L’honneur est une joie de se voir loué et estimé par autrui. La honte est une tristesse de se voir méprisé par autrui. L’impudence est l’absence de toute pudeur. Celle-ci est évidemment mauvaise ; mais les deux autres sont non-seulement inutiles, mais nuisibles parce qu’elles naissent de la fausse opinion que l’homme est la cause libre de ses actions. Cependant Spinoza ne recommande pas le cynisme ; il veut même qu’on fasse quelque concession à l’opinion extérieure par exemple, si avec tel habit on rend la sagesse ridicule, on fera bien d’en prendre un qui n’offense personne et de se rendre le plus possible semblable à son prochain, afin de le gagner à soi, et par cela même d’être plus en état de lui être utile.