Faveur (bienveillance), reconnaissance. — Quoique ces passions paraissent bonnes, Spinoza les trouve cependant inutiles dans l’homme parfait, car celui-là n’a pas besoin de motif pour être encouragé à faire le bien ; et même il y est plus engagé encore envers le méchant, parce qu’il découvre en lui une plus grande misère. Quant à l’ ingratitude, elle est, comme l’impudence, essentiellement mauvaise.
Enfin, la dernière passion est le regret, c’est-à-dire la tristesse d’un bien perdu que nous désirons recouvrer ; c’est une imperfection, car nous avons vu que c’est un mal de s’attacher aux choses extérieures.
En résumé, les passions bonnes sont celles sans lesquelles nous ne pourrions être ni durer : par exemple, l’amour, le désir et tout ce qui touche à l’amour. Les mauvaises sont celles sans lesquelles nous pouvons exister. En d’autres termes, le fondement de toutes les passions est l’amour, et le seul objet digne d’amour est Dieu. Par là doivent être rejetées toutes les passions qui ont pour objet les choses finies aimées pour elles-mêmes et non pas pour Dieu.
Cette théorie n’est pas au fond très-différente de la théorie stoïcienne, et elle conclut, comme celle-ci, à une sorte d’ataraxie ; on la retrouvera dans l’Éthique, plus savante et plus précise ; mais ce sera toujours une doctrine de quiétisme, comme il est inévitable à tout système qui nie la personnalité humaine et la réalité de l’être fini.
Le vrai et le faux, le libre arbitre. — Avant d’aller plus loin, Spinoza croit devoir définir le vrai et le faux comme il a défini le bien et le mal. Le vrai est l’affirmation ou la négation d’un objet, laquelle convient ou ne convient pas avec cet objet. Le faux est le contraire. Ce sont l’un et l’autre des modes de la con-