Page:Spinoza - Court traité sur Dieu, l’homme et la béatitude.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
DIEU, L’HOMME ET LA BÉATITUDE

rien ne vient de rien. Reste donc le premier. Alors nous demandons de nouveau : dans cet attribut, qui serait la cause de l’attribut produit, la perfection est-elle moindre ou plus grande que dans l’attribut produit ? Elle ne peut être moindre par la raison déjà donnée, ni plus grande, car l’autre serait alors limité, ce qui est contraire à ce qui a été démontré. Donc la perfection devrait être égale, et par conséquent les deux substances seraient égales, ce qui est encore contraire à la démonstration précédente. En outre, ce qui a été créé n’a pu être créé de rien, mais a dû nécessairement sortir de quelque chose d’existant ; or que le créé ait pu sortir de ce quelque chose, sans que celui-ci en fût en rien diminué, c’est ce que notre entendement ne peut comprendre. Enfin, si nous voulons rapporter à une cause la substance qui est le principe des choses qui naissent de son attribut, nous aurons aussi à chercher la cause de cette cause, et de nouveau la cause de cette cause, et cela à l’infini. De telle sorte que s’il faut enfin s’arrêter et se reposer quelque part, autant le faire tout de suite dans cette substance unique.

Passons au quatrième point, à savoir qu’il n’y a point de substance ou d’attribut dans l’intellect infini de Dieu, autre que ce qui existe formellement dans la nature. Je dis qu’on peut le démontrer : 1o par la puissance infinie de Dieu, qui fait qu’il n’y a pas en lui de cause qui le détermine à créer une chose plutôt qu’une autre ; 2o par la simplicité de sa volonté ; 3o parce qu’il ne peut négliger de faire tout ce qui est bon, comme nous le démontrerons plus tard ; 4o parce que ce qui n’est pas encore ne peut jamais être, puisqu’une substance ne peut créer une autre substance.

De tout cela il suit que l’on peut affirmer de la nature tout dans tout[1], en d’autres termes que la nature est

  1. Omnia in omnibus ; Alles in allen (Text. holl.).