Page:Spoelberch de Lovenjoul - Autour de Honoré de Balzac, 1897.djvu/49

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s’en assurer en lisant en note la première version de ce passage[1] :

  1. « — Heu ! heu !… fit le vieillard. Elle ne vit pas ! En la regardant longtemps, je ne saurais croire qu’il y ait de l’air entre ses bras et le fond de la toile… Je ne sens pas la chaleur de ce beau corps et ne trouve pas de sang dans les veines… Les contours ne sont pas dessinés franchement. Tu as craint d’être sec en suivant la méthode de l’école italienne, et tu n’as pas voulu empâter les extrémités, à l’instar du Titien et du Corrège. Eh bien ! tu n’as eu ni les avantages d’un dessin pur et correct, ni les artifices des demi-teintes… Tu n’es vrai que dans les tons intérieurs de la chair… Il y a de la vérité là…

    Et le vieillard montrait la poitrine de la sainte.

    — Puis ici…

    Et il indiquait le point où, sur le tableau, finissait l’épaule.

    — Ici… tout est faux… Mais n’analysons pas, ce serait faire ton désespoir.

    Le vieillard s’assit sur une escabelle, se tint la tête dans les mains et resta muet.

    — Maître, lui dit Porbus, j’ai cependant bien étudié sur le nu les lignes de ce corps.

    — Oui… oui… répondit le vieillard, un mois ou deux… et vous vous arrêtez là !… Vous faites d’admirables vêtements de chair à vos femmes ; mais vous oubliez tous de leur donner le mouvement et la vie ?… Une femme a certes cet air de tête, ce regard de douce résignation, et doit tenir sa jupe ainsi !… Mais où est le plus ? Vous avez le moins dont se contente le vulgaire… Ô Mabuse ! ô mon maître !… ajouta ce singulier personnage, tu es un voleur, tu as emporté la vie avec toi !…

    — À cela près, reprit-il, cela vaut mieux que les peintures du sieur Rubens… Au moins, avez-vous là couleur, sentiment et dessin, les trois parties essentielles de l’art… »