Page:Spoelberch de Lovenjoul - Autour de Honoré de Balzac, 1897.djvu/56

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ne se laisse pas atteindre ainsi. Il faut attendre ses heures, l’épier, la presser et l’enlacer étroitement, pour la forcer à se rendre. La forme est un Protée bien plus insaisissable et plus fertile en replis que le Protée de la Fable ; ce n’est qu’après de longs combats qu’on peut la contraindre à se montrer sous son véritable aspect ; vous autres, vous vous contentez de la première apparence qu’elle vous livre, ou, tout au plus, de la seconde, ou de la troisième ; ce n’est pas ainsi qu’agissent les victorieux lutteurs ! Ces peintres invaincus ne se laissent pas tromper à tous ces faux-fuyants ; ils persévèrent jusqu’à ce que la nature en soit réduite à se montrer toute nue et dans son véritable esprit. Ainsi a procédé Raphaël, dit le vieillard en ôtant son bonnet de velours noir, pour exprimer le respect que lui inspirait le roi de l’art ; sa grande supériorité vient du sens intime, qui, chez lui, semble vouloir briser la forme. La forme est, dans ses figures, ce qu’elle