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Page:Spoelberch de Lovenjoul - Les Lundis d’un chercheur, 1894, 2e éd.djvu/60

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PROJETS LITTÉRAIRES DE TH. GAUTIER. 53 ton et répète sa phrase d’une voix de tonnerre, croyant se faire mieux entendre en criant comme un sourd. L’Arabe, ahuri, s’arrête, et roule de grands yeux blancs pleins d’inlerroga- tion. L’Européen, furieux, fait de son discours une traduction libre avec le pied ou la main. Nous autres Français, nous n’avons pas le don des langues. Il y a force gens établis en Afrique depuis la conquête qui ne savent pas encore un mot d’arabe et qui n’en appren- dront jamais davantage ; ils mènent exactement, là-bas, la vie qu’ils mèneraient à Paris, per- sistant à n’admettre l’idiome des naturels que comme un grognement indistinct qu’ils em- ploient pour contrarier les vainqueurs. Ne se- rait-il pas sage que le gouvernement, puisque l’Algérie est tout à fait française, substituât dans les collèges, à l’étude parfaitement inutile du latin et à celle encore plus fantastique du grec, l’enseignement de l’arabe, qui ouvrirait aux élèves mille carrières dans cet Orient pro- fond et mystérieux que la civilisation doit fatalement envahir d’ici à un temps très court ? Que d’erreurs, que de fautes, que de trahisons on eût évitées avec la connaissance