Page:Staël - Œuvres inédites, II.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et que depuis ce temps elle en avoit la tête tournée. — La pauvre petite ! a-t-il répondu ; mais c’est que je monte à cheval à merveille, et d’ailleurs elle n’a vu personne… — Il vouloit dire, personne dans ce pays qui ait de la grâce comme moi ; mais la modestie l’a retenu, et j’ai cru poli d’achever sa phrase ; qu’il n’a point désavouée. Votre oncle, qui déteste M. d’Erville, s’est plu à lui répéter que vous étiez si jalouse de votre cousine, que vous ne la receviez jamais que le matin, et sans la laisser voir à personne. M. d’Erville croit vous surprendre en venant ici tout à l’heure. Je lui ai dit qu’à l’instant même j’irois chercher votre cousine, et que je la conduirois dans votre cabinet. Tirons ce rideau, et ne l’ouvrez qu’à mon retour : je vous laisse le temps d’exciter la curiosité de M. d’Erville, en paroissant lui refuser de voir votre cousine. — Chère Sophie, je sens que vous souffrez comme moi d’être réduite à tromper, même celui qui vous épouse sans vous aimer ; mais enfin je crois qu’il nous est permis, dans cette circonstance seulement, de quitter le rôle de dupe pour lequel nous sommes si fiers d’être faits.