sur la réputation de Thérèse, de ne nommer que moi dans le monde, de me livrer mille fois plutôt qu’elle, et de raconter l’histoire du duel telle que nous avions décidé qu’on la ferait. Elle, me le promit : je l’embrassai ; nous nous séparâmes ; j’emmenai Thérèse et sa fille, et nous arrivâmes à trois heures du matin à Bellerive. Quel voyage ! quelle journée, ma chère Louise ! J’enverrai cette lettre à Paris demain, de peur que la nouvelle de la mort de M. d’Ervins ne vous arrive avant ma lettre, et ne vous effraye pour moi,
Ce soir, pendant que l’infortunée Thérèse avait désiré d’être seule, je me suis promenée sur le bord de la rivière : j’ai voulu me livrer au souvenir de Léonce ; mais je ne sais, une inquiétude que j’avais de la peine à m’avouer m’empêchait de m’abandonner au charme de cette idée. Je me rappelai quelques traits sévères de son caractère, ce qu’il en disait lui-même dans sa, lettre à M. Barton. Ce n’était plus un amant, c’était un juge que je croyais voir dans Léonce, et des mouvements d’une fierté douloureuse s’emparaient de mon âme en pensant à lui. Enfin, me retraçant tout ce que madame de Vernon m’avait dit pour me rassurer, je me suis répété qu’un trait de bonté même indiscret ne pouvait détruire les sentiments qu’il m’a témoignés et je suis rentrée chez moi plus tranquille.
Hélas ! Thérèse, l’infortunée Thérèse, est la seule à plaindre ! Combien vous vous intéressez à son malheur, bonne, excellente Louise ! combien vous serez disposée à me pardonner ce que j’ai fait pour elle ! Ce n’est pas vous qui seriez sévère envers les égarements de la pitié.
Depuis trois jours, le croirez-vous, ma chère Louise ? je n’ai pas reçu une seule lettre de madame de Vernon ; je n’ai pas entendu parler de Léonce ! peut-être n’est-il pas encore revenu de Mondoville. J’ai reçu seulement une lettre de madame d’Artenas, la tante de madame de R…, qui me mande que la mort de M. d’Ervins fait un bruit horrible dans Paris, et que beaucoup de gens me blâment, : elle me demande de l’instruire de la vérité des faits, pour qu’elle puisse me défendre. Eh ! que m’importe ce qu’on dira de moi ? c’est l’opinion de Léonce que je veux savoir.