tirais une sorte de rage contre ma fièvre, si je pensais qu’elle put l’attribuer à l’amour.
J’ai voulu m’éloigner aussi de madame de Vernon ; je la hais : c’est injuste, je le sais ; mais enfin, toutes les peines que j’ai éprouvées, c’est elle qui me les a annoncées ; depuis mon mariage même, chaque fois qu’une idée, une circonstance me faisait du bien, le hasard amenait de quelque manière cette femme pour me découvrir la vérité ; j’en conviens, la vérité, mais celle qu’on ne peut entendre sans détester qui vous la dit. Ne combattez pas cette prévention, je la condamne ; mais que ne condamné-je pas en moi ! et je ne puis me vaincre sur rien ! Ah ! qu’il serait heureux que je mourusse ! cependant ne craignez pas que M. de Serbellane me tue ; non, il n’est pas juste que tout lui réussisse ; il me semble que c’est assez des prospérités dont il a joui ; s’il met le pied en France, il en trouvera le terme.
Eh bien, Thérèse est inflexible ; eh bien, celle à qui j’ai sacrifié tout le bonheur de ma vie ne jouira pas un seul jour du funeste dévouement de ma trop facile amitié. Louise, le récit que je vais vous faire vous inspirera de la pitié pour Thérèse ; il m’en faut, aussi pour moi. Ah ! que de douleurs sur la terre ! où sont-ils les heureux ? en est-il parmi ceux qui seraient dignes du bonheur ?
Depuis quelque temps je voyais madame d’Ervins plus rarement ; un prêtre d’un couvent voisin, d’un extérieur simple et respectable, passait beaucoup d’heures seul avec elle ; moi-même accablée de douleurs, et craignant, si je confiais mes peines à Thérèse, de ne pouvoir lui cacher qu’elle en était la cause involontaire, je me résignais à son goût pour la retraite, et je ne voulais pas lui parler des projets que je lui connaissais. Je comptais sur l’arrivée de M. de Serbellane et sur ses prières pour l’y faire renoncer ; mais le frère de M. d’Ervins étant venu à Paris, Thérèse eut hier matin un long entretien avec lui, et je me hâtai d’aller chez elle, quand il fut parti, pour en savoir le résultat.
J’ai retenu toutes les paroles de Thérèse, et je vous les transmettrai fidèlement. Qui pourrait oublier un langage si plein