divorce. » En somme, Delphine était appelée « un très-mauvais ouvrage écrit avec beaucoup d’esprit et de talent. » Cet article parut peu suffisant, je pense : car la même feuille inséra quelques jours après ( 4 et 9 janvier 1803) deux lettres adressées à madame de Staël et signées l’Admireur ; elles sont de M. Michaud. La première lettre se prenait aux caractères du roman qui est jugé immoral ; Delphine s’y voit confrontée avec l’héroïne d’un roman injurieux, de laquelle on a également voulu, de nos jours, rapprocher Lélia. La seconde lettre tombe plus particulièrement sur le style ; elle est parfois fondée, et d’un tour cavalier assez agréable : « Quel sentiment que l’amour ! quelle autre vie dans la vie ! Lorsque vos personnages font des réflexions douloureuses sur le passé, l’un s’écrie : J’ai gâté ma vie ; un autre dit : J’ai manqué ma vie ; un troisième renchérissant sur les deux autres : Je croyais que j’avais seul bien entendu la vie. » La hauteur des principes, les images basées sur les idées éternelles, le terrain des siècles, les bornes des âmes, les mystères du sort, les âmes exilées de l’amour, cette phraséologie, en partie sentimentale, spiritualiste, et certainement permise, en partie genevoise, incohérente et très-contestable, y est longuement raillée. M. de Feletz avait lui-même relevé un certain nombre d’incorrections réelles de style et quelques mots comme insistance, persistance, vulgarité, qui ont passé malgré son véto. On pourrait reprendre dans le détail de Delphine des répétitions, des consonnances, mille petites fautes fréquentes que madame de Staël n’évitait pas, et où l’artiste écrivain ne tombe jamais.
Madame de Staël, pour qui le mot de rancune ne signifiait rien, amnistia plus tard avec grâce l’auteur des Lettres de l’Admireur, lorsqu’elle le rencontra chez M. Suard, dans ce salon neutre et conciliant d’un homme d’esprit auquel il avait suffi de vieillir beaucoup et d’hé-