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Page:Staël - Delphine,Garnier,1869.djvu/23

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VIII
OBSERVATIONS

riter successivement des renommées contemporaines pour devenir considérable à son tour. Le journal que M. Suard rédigeait alors, le Publiciste, bien qu’il eût pu, d’après ses habitudes littéraires, chicaner légitimement Delphine sur plusieurs points de langage et de goût, n’entra pas dans la querelle, et se montra purement favorable dans un article fort bien senti de M. Hochet.

Vers le même temps, le Mercure en publiait un, signé F., mais tellement acrimonieux et personnel, que le Journal de Paris, qui, par la plume de M. de Villeterque, avait jugé le roman avec assez de sévérité, surtout au point de vue moral, ne put s’empêcher de s’étonner qu’un article écrit de ce style se trouvât dans le Mercure, à côté d’un morceau signé de La Harpe, et sous la lettre initiale d’un nom cher aux amis du goût et de la décence. On y lisait en effet (et je ne choisis pas le pire endroit) : « Delphine parle de l’amour comme une bacchante, de Dieu comme un quaker, de la mort comme un grenadier, et de la morale comme un sophiste. » Fontanes, qui se trouvait désigné à cause de l’initiale, écrivit au Journal de Paris pour désavouer l’article, qui était effectivement de l’auteur de la Dot de Suzette et de Frédéric. N’avons-nous pas vu de nos jours un déchaînement semblable, et presque dans les mêmes termes, contre une femme la plus éminente en littérature qui se soit rencontrée depuis l’auteur de Delphine ? Dans les Débats du 12 février 1803, Gaston rendit compte d’une brochure in-8° de 800 pages (serait-ce une plaisanterie du feuilletoniste ?), intitulée Delphine convertie ; il en donne des extraits ; on y faisait dire à madame de Staël : « Je viens d’entrer dans la carrière que plusieurs femmes ont parcourue avec succès, mais je n’ai pris pour modèle ni la Princesse de Clèves, ni Caroline, ni Adèle de Sénange. » Cette brochure calomnieuse, si toutefois elle existe, où l’envie s’est gonflée jusqu’au gros livre, paraît