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IX
SUR DELPHINE.

n’être qu’un ramas de phrases disparates, pillées dans madame de Staël, cousues ensemble et dénaturées. Madame de Genlis, revenue d’Altona pour nous prêcher la morale, faisait insérer dans la Bibliothèque des Romans une longue nouvelle, où, à l’aide d’explications tronquées et d’interprétations artificieuses, elle représentait madame de Staël comme l’apologiste du suicide. Madame de Staël qui, de son côté, citait avec éloge Mademoiselle de Clermont, disait pour toute vengeance : « Elle m’attaque, et moi je la loue ; c’est ainsi que nos correspondances se croisent. » Madame de Genlis reprocha plus tard dans ses Mémoires à madame de Staël d’être ignorante, de même qu’elle lui avait reproché d’être immorale. Mais grâce lui soit faite ! elle s’est repentie à la fin dans une bienveillante nouvelle intitulée Athénaïs, dont nous reparlerons : une influence amie, et coutumière de tels doux miracles, l’avait touchée.

Nous demandons pardon, à propos d’une œuvre émouvante comme Delphine, et sans nous confiner de préférence aux scènes mélancoliques de Bellerive ou du jardin des Champs-Élysées, de rappeler ces aigres clameurs d’alors, et de soulever tant de vieille poussière : mais il est bon, quand on veut suivre et retracer une marche triomphale, de subir aussi la foule, de montrer le char entouré et salué comme il était.

La violence appelle la répression ; les amis de madame de Staël s’indignèrent, et elle fut énergiquement défendue. Des deux articles insérés par Ginguené dans la Décade, le premier commence en ces termes : « Aucun ouvrage n’a depuis longtemps occupé le public autant que ce roman ; c’est un genre de succès qu’il n’est pas indifférent d’obtenir, mais qu’on est rarement dispensé d’expier. Plusieurs journalistes, dont on connaît d’avance l’opinion sur un livre d’après le seul nom de son auteur, se sont déchaînés contre Delphine ou plutôt