ciel à cause de toi. Tu m’instruiras dans ta religion ; je ne m’en étais pas occupé jusqu’à ce jour, mais j’ai tant de bonheur, qu’il me faut où porter ma reconnaissance ! ce n’est pas assez du culte que je te rends, il faut me dire à qui je dois ta vie, qui te l’a donnée, qui te la conserve. Impose-moi quelques sacrifices, quelques peines ; mais il n’y en a plus au monde. Comment faire pour découvrir quelques devoirs qui me coûtent, quelques actions qui puissent m’être comptées, quand je te verrai tous les jours ? Oh ! Delphine ! calme-moi, s’il est possible, sur l’excès de mon bonheur, sur sa durée. Dis-moi que le ciel t’a permis de me donner un sort qui n’était pas fait pour les hommes ; je puis tout espérer, je puis tout croire ! Quel miracle m’étonnerait quand un moment a changé la nature entière à mes yeux ?
Oui, je possède cette félicité, la mort seule la terminera ; il n’y en aura plus de ces terribles jours pendant lesquels je ne te voyais pas. Mon amie, la force de les concevoir et de les supporter n’existe plus en moi ; j’ai perdu en un instant toute puissance sur mon âme ; le bonheur est devenu mon habitude, mon droit ; il faut me ménager avec bien plus de soin que dans le temps de mon désespoir. Je suis heureux, mais tout mon être est ébranlé ; les palpitations de mon cœur sont rapides ; je sens dans mon sein une vie tremblante, que la moindre peine anéantirait à l’instant. Oh ! Delphine ! le bonheur parfait étonne la nature humaine ; ma tête se trouble, et je suis prêt à devenir misérablement superstitieux, depuis que je possède tous les biens du cœur.
Adieu, Delphine, adieu ; je veux en vain m’exprimer : il y a dans les passions violentes une ardeur, une intensité dont l’âme seule a le secret. Une sympathie céleste, une étincelle d’amour te révélera peut-être ce que j’éprouve.
Je le crois, j’en suis sûre, ma chère Delphine, puisque vous êtes heureuse, vous n’avez pas dans le cœur un seul désir, une seule pensée que la vertu la plus parfaite ne puisse approuver : mais, hélas ! vous ne vous doutez pas de tous les périls de votre situation ; faut-il que je sois forcée par les devoirs de l’amitié à