donner à ce que j’éprouve ? Si je m’y livre un jour, dans l’état où m’ont jeté mes désirs et mes regrets, si je m’y livre un jour, l’un de nous deux est perdu.
L’homme d’affaires de madame de Mondoville est venu voir le mien, pour lui parler de soixante mille livres que j’ai cautionnées pour madame de Vernon, et de quarante autres que je lui avais prêtées, il y a deux ou trois ans ; vous sentez bien que je ne veux pas que vous acquittiez ces dettes, surtout à présent que vos affaires sont en désordre ; mais il serait tout à fait inconvenable pour moi d’avoir l’air de rendre un service à madame de Mondoville. Hélas ! j’ai des torts envers elle, et si jamais elle les découvre, je ne veux pas qu’elle puisse penser que j’ai cherché à enchaîner son ressentiment par des obligations de cette nature. Ayez donc la bonté de dire à madame de Mondoville que je ne veux pas que de dix ans il soit question en aucune manière des dettes que sa mère a contractées avec moi ; mais persuadez-lui bien que je me conduis ainsi par amitié pour vous, ou à cause d’une promesse faite à sa mère : supposez tout ce que vous voudrez ; seulement arrangez tout pour que madame de. Mondoville ne puisse pas se croire liée personnellement envers moi par la reconnaissance.
J’ai exécuté fidèlement vos ordres auprès de madame de Mondoville. Que parlez-vous de lui épargner de la reconnaissance ? avez-vous donc oublié que c’est vous qui l’avez dotée, que sans votre générosité fatale je serais peut-être libre encore ? Ah Dieu ! ne puis-je donc repousser ce souvenir, et tout dans la vie doit-il me le rappeler ?
Je n’ai pu empêcher Mathilde de vous aller voir demain ; elle est touchée de vos procédés envers nous, quoique j’en aie diminué le mérite selon vos intentions ; elle voulait que je l’accompagnasse à Bellerive, cela m’est impossible : je ne veux pas vous voir ensemble, je ne veux pas la trouver dans les lieux que vous habitez, il me semble que son image y resterait… Permettez-moi de vous prier, ma Delphine, de recevoir Mathilde comme vous l’auriez fait avant la mort de sa mère ; vous êtes