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TROISIÈME PARTIE.

jamais repoussé ; je suis prête à tout vous immoler. Si vous exigez que je me dégage avec monsieur et madame de Lebensei, je le ferai.

Comment se peut-il faire qu’il vous échappe encore des plaintes amères dans votre dernière lettre[1] ? Léonce, notre bonheur se conservera-t-il ? Je crois voir approcher l’orage qui nous menace. Ah ! que je meure avant qu’il éclate !

LETTRE XXXV. — LÉONCE À DELPHINE.
Mondoville, ce 29 avril.

Je ne veux pas contrarier les mouvements généreux de votre âme, ma noble amie ; j’espère qu’il ne résultera aucun mal de cette démarche. J’aurais désiré que madame de Lebensei vous l’eût épargnée ; mais puisque vous avez donné votre parole, je pense, comme vous, qu’il n’existe plus aucun moyen honorable de vous en dégager. Adieu, ma Delphine ! malgré mes instances, madame de Mondoville ne veut partir que dans quatre jours ; je serai à Bellerive seulement le 4 mai, à sept heures.

LETTRE XXXVI. — MADAME DE LEBENSEI À MADAME D’ALBÉMAR.
Cernay, ce 2 mai 1791.

Vous m’avez rendu, madame, le bonheur que j’étais menacée de perdre sans retour ! Je ne pouvais supporter l’idée que mon fils ne serait pas reconnu dans ma famille, et j’avais épuisé, pour y réussir, tous les moyens qu’un caractère assez fier pouvait me suggérer. Vous avez paru, et tout a été changé ; la vieillesse, les préjugés, l’embarras d’une longue injustice, rien n’a pu lutter contre la puissance irrésistible de votre éloquence et de la vraie sensibilité qui vous inspirait.

Je n’oublierai jamais cet instant où, vous mettant à genoux devant ma grand’mère pour lui présenter mon enfant, elle a posé ses mains desséchées sur les cheveux charmants qui cou-

  1. Cette lettre ne s’est pas trouvée.