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Page:Staël - Delphine,Garnier,1869.djvu/398

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QUATRIÈME PARTIE.

de l’épouser. Elle m’a d’abord assuré qu’il m’aimait avec idolâtrie, et que la plupart des défauts que je lui trouvais dans le monde tenaient à l’embarras de sa situation vis-à-vis de moi, « C’est un homme, m’a-t-elle dit, que le succès et le bonheur rendront toujours très-bon. Je ne réponds pas de lui dans l’adversité ; mais comme il en serait à jamais préservé s’il vous épousait, ma chère Delphine, vous pourriez compter sur ce qu’il y a d’honnête dans son caractère, Sans doute, après avoir aimé Léonce, vous n’éprouverez jamais un sentiment vif pour personne ; mais dans un mariage de raison vous pouvez goûter la douceur d’être mère ; et croyez-moi, ma chère amie, il est si difficile d’avoir pour époux l’homme de son choix ; il y a tant de chances contre tant de bonheur, que la Providence a peut-être voulu que la félicité des femmes consistât seulement dans les jouissances de la maternité ; elle est la récompense des sacrifices que la destinée leur impose ; c’est le seul bien qui puisse les consoler dans la perte de la jeunesse. »

Je vous l’avouerai, ma chère Élise, j’étais presque indignée, que ma sœur, qui avait elle-même reconnu que je ne pouvais, sans barbarie, me séparer de Léonce, vînt me proposer de le trahir. Comme j’exprimais ce sentiment avec assez de vivacité, elle m’interrompit pour me soutenir qu’elle m’offrait l’unique moyen de rendre Léonce à ses devoirs, aux intérêts naturels de sa vie ; elle assura que tant que je serais libre, il ne ferait aucun effort sur lui-même pour renoncer à moi. Elle me dit enfin tout ce qu’on dit dans une semblable situation, quand, avec une âme tendre, on ne peut néanmoins concevoir une passion qui tient lieu de tout dans l’univers : une passion sans laquelle il n’existe ni jouissances, ni espoir, ni considérations tirées de la raison ou de la sensibilité commune, qu’on ne rejette intérieurement avec mépris ; mais il est doux de se livrer à ce mépris que l’on prodigue au fond de son cœur à tous les rivaux de celui qu’on aime.

La conversation finit bientôt sur ce sujet ; quelques paroles de moi donnèrent promptement à ma sœur l’idée d’une résistance telle, qu’aucune force humaine ne pourrait imaginer de la vaincre, et je ne songeai plus qu’à supplier Louise d’éloigner M. de Valorbe. Elle me promit de s’en occuper ; mais elle en conçoit peu d’espérance, soit à cause de l’entêtement qui le caractérise, soit parce qu’elle se sent faible contre un homme qui a été le sauveur de son frère.

Demandez à M. de Lebensei, ma chère Élise, quel conseil il pourrait me donner pour sortir de cette perplexité. Il connaît