suis-je contente de ma conduite ? ce jour n’aura-t-il point de funestes effets ? que puis-je me reprocher cependant quand la vie de Léonce était en danger ? Votre mari reste encore ici jusqu’à demain, ce sera moi qui vous apprendrai tout ce que votre Henri a fait pour nous ; mais que jamais un seul mot de vous, ma chère Élise, ne trahisse les secrets que je vais vous confier.
Hier matin, Léonce arriva comme je venais de vous envoyer ma lettre ; il y avait un peu d’embarras dans l’expression de son visage. Je me hâtai de lui dire que s’il s’était mêlé le moindre soupçon sur moi à son emportement contre M. de Valorbe, jamais je n’aurais pu retrouver aucun bonheur dans notre sentiment mutuel ; mais je le conjurai d’examiner s’il voulait perdre un homme proscrit, qui pouvait être obligé de quitter la France, et que l’éclat d’un duel ferait nécessairement découvrir. « Ma chère Delphine, me répondit Léonce, c’est moi qui ai insulté M. de Valorbe, lui seul a droit d’être offensé ; je ne puis l’être, et ma volonté, dans cette affaire, doit se borner à lui accorder la satisfaction qu’il me demandera. — Quoi ! lui dis-je, quand de votre propre aveu vous avez été injuste et cruel, croyez-vous indigne de vous de le réparer ? — Je ne sais, me dit-il, ce que M. de Valorbe entendrait par une réparation ; comme il est malheureux dans ce moment, je pourrais me croire obligé d’être plus facile ; mais cette réparation je ne puis la donner que tête à tête : nous étions seuls, du moins je le crois, lorsque j’ai eu le tort d’offenser M. de Valorbe ; mais trouvera-t-il que ce soit une raison pour se contenter d’excuses faites aussi sans témoins ? je l’ignore. À sa place, rien ne me suffirait ; à la mienne, ce que je puis tient à de certaines règles que je ne dépasserai point. — Indomptable caractère ! lui dis-je alors avec une vive indignation, vous n’avez pas encore seulement daigné penser à moi ; doutez-vous que le sujet de cette querelle ne soit bientôt connu, et qu’il ne me perde à jamais ? — Le secret le plus profond, interrompit-il… — Ignorez-vous, repris-je, qu’il n’y a point de secret ? Mais je n’insisterai pas sur ce motif ; c’est à vous et non à moi de le peser : sans doute, si vous triomphez, je suis déshonorée ; si vous périssez, je meurs ; mais l’intérêt supérieur à ces intérêts, c’est le remords que vous devez éprouver si vous ne respectez pas la situation de M. de Valorbe : pouvez-vous vous battre avec lui quand il doit se cacher, quand vous faites connaître ainsi sa retraite, quand vous le livrez aux tribunaux dans ces temps de troubles où rien ne garantit la justice ; le pouvez-vous ? — Ma chère Delphine, ré-