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QUATRIÈME PARTIE.

pondit Léonce plus ému qu’incertain, je vous le répète, c’est moi qui ai tort envers M. de Valorbe, je n’ai rien à faire qu’à l’attendre ; la générosité ne convient pas à celui qui a offensé ; c’est à M. de Valorbe à se décider : je lui dirai, s’il le veut, tout ce que je dois lui dire ; il jugera si ce que je puis est assez. »

Dans ce moment, M. de Lebensei entra ; Antoine l’avait rencontré à la barrière ; il avait ordre de remettre la lettre à l’un de vous deux. Votre excellent Henri la lut, et ne perdit pas un instant pour se rendre chez moi ; je lui répétai ce que je venais de dire ; Léonce gardait le silence. « Il faut d’abord, dit M. de Lebensei, que je m’informe des accusations qui peuvent exister contre M. de Valorbe : s’il est vraiment en danger, il importe de le mettre en sûreté. M. de Mondoville souhaite certainement avant tout que M. de Valorbe ne soit pas exposé à être arrêté. — Sans doute, répliqua Léonce, mes torts envers lui m’imposent de grands devoirs ; si je puis le servir, je le ferai avec zèle : mais vous me permettrez, dit-il plus bas à M. de Lebensei, de vous parler seul quelques instants. — D’où vient ce mystère ? m’écriai-je ; Léonce, suis-je indigne de vous entendre sur ce que vous croyez votre honneur ? ne s’agit-il pas de ma vie comme de la vôtre ? et pensez-vous que si véritablement votre gloire était compromise, je ne trouverais pas, dans la résolution où je suis de mourir avec vous, la force de consentir à tous vos périls ? Mais, encore une fois, vous avez été souverainement injuste envers M. de Valorbe ; il est proscrit ; à ce titre, votre inflexible fierté devrait plier. — Eh bien, reprit Léonce, je ne dirai rien à M. de Lebensei que vous ne l’entendiez ; je ne puis d’ailleurs lui rien apprendre sur la conduite que je dois tenir ; ce qu’il ferait, je le ferai. — Je demande, reprit M. de Lebensei, que l’on attende les informations que je vais prendre sur tout ce qui concerne la situation de M. de Valorbe ; dans peu d’heures je la connaîtrai. »

M. de Lebensei nous quitta pour s’en occuper ; mais en partant il me dit : « M. de Mondoville a raison à quelques égards, c’est M. de Valorbe qui doit décider de cette affaire ; voyez-le vous-même ce matin, essayez de le calmer. » Je voulais à l’instant même passer dans l’appartement de ma belle-sœur, où je devais trouver M. de Valorbe. Léonce me retint, et me dit : « La pitié que m’inspire un homme malheureux, les torts que j’ai eus envers lui, la crainte de vous compromettre, tous ces motifs mettent obstacle à la conduite simple qu’il est si convenable de suivre dans de semblables occasions ; mais je vous en conjure, mon amie, ne vous permettez pas, en mon absence, un