grièvement, l’obligeaient à me quitter. Je vis qu’il me regardait avec bienveillance, pour adoucir la peine que je devais ressentir de son absence. J’aurais eu envie de le tranquilliser sur le chagrin qu’il me supposait ; mais ne voulant pas déplaire au mari de mon amie, je lui fis la révérence avec, l’air sérieux qu’il désirait, et son dernier salut me prouva qu’il en était content.
Restée seule avec Thérèse, je réunis tout ce que la raison et l’amitié peuvent inspirer pour lui faire goûter de sages conseils ; mais ses larmes, ses regrets, ses résolutions combattues et démenties sans cesse, me firent éprouver une profonde pitié. Elle n’a point reçu cette éducation cultivée qui porte à réfléchir sur soi-même ; on l’a jetée dans la vie avec une religion superstitieuse et une âme ardente ; elle n’a lu, je crois, que des romans et la Vie des Saints ; elle ne connaît que des martyrs d’amour et de dévotion ; et l’on ne sait comment l’arracher à son amant, sans la livrer à des excès insensés de pénitence. La crainte de cesser de voir M. de Serbellane est la seule pensée qui puisse la contenir ; si on l’obligeait à se séparer de lui, elle avouerait tout à son mari. Elle a beaucoup d’esprit naturel, mais il ne lui sert qu’à trouver des raisons pour justifier son caractère. Elle aime sa fille, mais sans pouvoir s’occuper de son éducation ; cette pauvre enfant, en voyant pleurer sa mère tout le jour, est dans un état d’attendrissement continuel qui nuit à ses forces morales et physiques ; et M. d’Ervins ne se doute de rien au milieu de toutes ces scènes. Quand il surprend sa femme et sa fille en larmes, il leur demande pardon de les avoir trop peu vues, d’être resté trop longtemps dans son cabinet ou chez ses amis, et il leur promet de ne plus s’éloigner à l’avenir. Cet aveuglement pourrait durer dans la retraite ; mais à Paris il se rencontre tant de gens qui ont envie d’humilier un sot, ou d’irriter un méchant homme !
J’ai peint à Thérèse quelle serait sa situation si M. d’Ervins faisait tomber sur elle sa colère et son despotisme ; que deviendrait-elle sans parents, sans fortune, sans appui ? Elle me répond alors que son dessein est de s’enfermer dans un couvent pour le reste de sa vie ; et si je lui dis qu’il vaudrait peut-être mieux que M. de Serbellane allât passer quelque temps en Portugal auprès d’un de ses parents, comme c’était son projet en quittant l’Italie, elle tombe à cette idée dans un désespoir qui me fait frémir. Ah ! Louise, quelles douleurs que celles de l’amour ! Pauvre Thérèse ! en l’écoutant, mon âme n’était point uniquement occupée d’elle ; je pensais à Léonce, à ce que