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Page:Staël - Réflexions sur le procès de la Reine, 1793.pdf/12

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même par sa conduite et ses discours. J’ignore jusques à quel point la Reine savoit son secret, mais quand le seul Ministre quelle a fait nommer s’est montré démocrate, quand la seule époque dans laquelle elle ait pris quelque part aux affaires est celle où les principes de ce jour ont commencés à être admis, comment peut-on l’accuser d’être ennemie de la liberté ? Comment peut-on lui trouver des crimes ? Des crimes ! Ah ! quelle expression en parlant d’elle ! jadis peut-être, brillante et frivole comme le bonheur et la beauté, son caractère ne s’est prononcé, n’a attiré l’attention de l’Europe, n’a redoublé la haine de ses détracteurs que par des traits de courage et de sensibilité qui supposent toutes les vertus. Qu’a-t-on fait pour détacher les Français de cet aimable objet si semblable a tout ce qui savoit leur plaire ? On leur a dit que Marie Antoinette détestoit la France, qu’elle étoit Autrichienne et c’est par ce nom que dans leur fureur ses ennemis l’ont toujours appellée, certains de frapper ainsi l’esprit du peuple, qu’un mot égare, qu’un mot rallie, qui ne se passionne jamais que pour les idées qui s’expriment par un seul mot. L’envie voyoit que tous les cœurs étoient prêts à chérir Marie Antoinette, le plus sûr moyen de les éloigner étoit de leur persuader qu’ils n’obtien-