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Page:Staël - Réflexions sur le procès de la Reine, 1793.pdf/15

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à la vérité, plus efficaces qu’elle sur un Peuple passionné, mais qui ne peuvent, un instant même, faire illusion aux hommes éclairés, et leur ôtent jusqu’à la douloureuse consolation de découvrir quelques torts qui puissent diminuer l’amertume de leur pitié.

Cependant pour exciter la multitude on n’a cessé de répéter que la Reine étoit l’ennemie des Français, et l’on a donné à cette inculpation les formes les plus féroces, je ne sais rien de plus coupable que de s’adresser au Peuple avec des mouvemens passionnés, on peut les pardonner à l’accusé, mais dans l’accusateur l’éloquence même est un assassinat ! Cette classe de la société qui n’a pas le tems d’opposer l’analyse à l’assertion, l’examen à l’émotion, gouvernera comme elle est entraînée, si en lui accordant un grand pouvoir on ne fait pas un crime national de tous les genres d’altération à la vérité, la vraisemblance n’est rien pour l’homme qui n’a pas réfléchi d’avance, au contraire même, plus il est étonné plus il se plaît à croire. La Reine auroit voulu le malheur de l’Empire où elle régnoit, de la Nation sur laquelle reposoit sa gloire, son bonheur et sa couronne ! mais c’est assez la juger par son intérêt, elle mérite davantage, elle est bonne par sa nature, elle est bonne à ses propres périls.